21/12/2012
Exprimer ses sentiments sur le terrain - stop ou encore?
Réaction de Benoît MOURY, préparateur mental du Masterbad Group, à l’article paru le 13 décembre 2012 : BV et LFBB le grand écart (ICI )
Exprimer ses sentiments sur le terrain ! Pourquoi ?
Dans son article « Badminton Vlaanderen, une autre vision. », Vincent Hecquet pointe un grand écart de l’arbitrage selon le côté de la frontière linguistique. Une autre vision ? Le badminton doit muter de sa condition de gentleman (attitude réservée sur le plan de l’expression émotionnelle) pratiquée en Wallonie vers celle de moderne et spectaculaire pour enfin devenir populaire, c’est la version flamande. Prenons acte de cette modernité qui avance à grand pas. Avant de répondre à cette question, examinons quelques éléments qui donnent à réfléchir.
Le badminton se divise en trois catégories bien distinctes :
-le badminton de haut niveau qui part de A à champion du monde.
-le badminton de compétition de D à B1.
-le badminton de loisir.
Le haut niveau est le lieu où le sport et le spectacle se conjuguent parfaitement. Les médias l’ont bien compris. Ils rétribuent largement les plus populaires…et n’hésitent pas, par conséquent, à peser sur les règles et autres aménagements pour bien toucher ses publics cibles. La rage, le désespoir…en bref les affects donnent de l’intensité que nous ressentons bien. Marcos Baghadatis en est un merveilleux exemple. La dramaturgie est soignée et ne doit rien au hasard. Si en plus le public suit par des cris, applaudissements…responsables fédéraux et médias sont aux anges. L’arbitrage suit.
Il suit attentivement l’évolution des champions en les cadrant. Ils sont d’ailleurs assez nombreux (6 et plus selon les méthodes de calcul) autour du terrain pour veiller au respect des règles. On peut même écrire que les conditions de travail pour eux sont optimum (optima ?)…dame les enjeux sont de taille. A ce niveau, les affects sont parties intégrantes au sport spectacle. Les bannir est contre nature, contreproductif. Les sanctions semblent avoir peu d’effet. John McEnroe l’a prouvé. Il est un des grands contributeurs du succès de la formule et aussi en amendes diverses.
Juste une question : nos chères petites têtes blondes opèrent-elles toujours la différence entre le spectacle présenté (valorisé par l’argent et socialement) et le comportement acceptable en compétition ? L’engouement de la « dream team » du basket américain aux jeux olympiques ne se traduit pas que par une augmentation significative de nouveaux adhérents mais aussi par une représentation du sport ainsi promu. L’imitation ne se limite pas qu’à la technique lors de l’entraînement mais déborde allégrement sur nos tenues vestimentaires, nos appréciations et discussions au bar… et comportements. Une bonne question qui doit inciter nos responsables fédéraux à réfléchir tourne nécessairement autour de : quelles valeurs veut-on faire la promotion ? Que rendre populaire ?
Les compétiteurs classés de D à B1 savent depuis longtemps que l’arbitrage lors des compétitions est très symbolique : 1 arbitre pour 200, 300…400 des leurs. On dirait que plus le nombre grandit plus l’arbitrage se singularise ! A ce stade il faut bien convenir que ses conditions de travail à lui sont loin d’être aussi sympathiques. Son autorité, il l’a tire du respect de tous et de la pression social de tous à demander, imposer à tous de se tenir un minimum. Il y a donc là un consensus. Ici Vincent Hecquet nous explique que l’on va le changer pour un mieux. D’accord mais pour qui ? Car il faut savoir que se lâcher va faire partie du banal de la compétition et lors des inévitables divergences d’appréciations de la règle, les échanges verbaux seront eux aussi plus lâchés (y a pas de raison qu’il n’en soit pas ainsi). La température émotionnelle de l’arbitre sera aussi plus lâchée. Tout le monde sera chaud en somme et il faudra plus de sang froid de la part des différents acteurs pour récupérer d’un tel engagement. Avantage certain cela fera plus populaire. Un autre : la curiosité va croissante avec l’intensité des échanges…les médias sont très intéressées par le fait divers.
Juste comme cela histoire de réfléchir aux effets indirects d’une mesure décrétée : petit calcul. Une compétition de 12 terrains avec des matchs de 30 minutes donne 24 matchs par heure et si chaque joueur de simple s’exprime 1 fois (pour le vainqueur de quoi marquer sa réussite et au défait de dire « combien je suis nul aujourd’hui ») on a 48 expressions par heure. C’est peu mais cela fait déjà beaucoup. Pensez en double !!! Et si chacun décide de le faire par set car cela est très tendance…cela donne…je vais chercher ma calculette…Une bonne question : qu’est ce que moi compétiteur j’ai à gagner dans cette popularité soudaine ? Dans quelle ambiance je veux pratiquer mon sport d’élection ?
Et toujours un seul arbitre.
Pour les pratiquants du badminton loisir en voyant élite et compétiteur lâchés, je vous dis pas l’ambiance qui va régner autour des terrains. Et là pas d’arbitre ! Ou plutôt les présidents et les administrateurs vont être mis à contribution. C’est sûr ils vont devenir plus populaires. A leur place je courrai à la fédération pour demander un débat en refusant comme argent comptant l’argument d’une augmentation des cotisations par le biais d’un accroissement des adhérents conquis par le très populaire « lâchez vous, c’est bon pour la santé ».
Regardez dans un autre sport très populaire comme le politique s’occupe d’eux maintenant. Regardez les efforts des uns et des autres dans les campagnes de prévention pour rattraper le coup. Alors demandons-nous comment rendre notre sport plus populaire et voyons l’ensemble de la problématique avant de nous lancer à la conquête de l’Eldorado. En tout cas chacun de nous peut commencer par se poser la question : l’expression de mes sentiments en compétition est sensé m’apporter quoi ?
Bonne fêtes de fin d’année à tous.
Benoît MOURY
14:07 Écrit par vincent hecquet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : coaching | Facebook |
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